Comment « dématérialiser » la matière, exposer sa forme absolue, épurée?
Deux artistes, apparemment différents, Yves Klein et Alberto Giacometti, dialoguent et partagent cette « recherche de l’absolu » à la Gagosian Gallery jusqu’au 11 juin 2016.
L’un, Giacometti, s’exprime en quête de la « pure présence » de la matière (titre de l’exposition qui a eu lieu à la National Portrait Gallery) en la modelant au corps jusqu’à lui donner une apparence verticale et horizontale la plus abstraite possible, comme si elle voulait elle-même s’effacer. L’autre, Klein, l’exploite en la brûlant comme pour en tirer sa substantifique moelle; il la fait imploser pour provoquer un feu d’artifice doré et des bacchanales. Ou bien il la dévoile, comme couleur unique, dont ce pigment bleu puissant et profond, couleur d’avant la nuit, qui est devenu le symbole de l’oeuvre picturale de Klein: « Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont. Ce sont des espaces pré-psychologiques (…). Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes (…) tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible » (Klein).
Le titre de l’exposition « A la recherche de l’absolu » provient d’un essai de Jean-Paul Sartre sur Giacometti. Il leur correspond à tous deux, bataillant avec la matière, picturale et sculpturale, en quête toujours renouvelée, repartant du néant, d’une expression poétique de la présence humaine.
Les oeuvres se parlent et se répondent dans ce rapprochement intelligent qui rend intelligible l’invisible, les traces de l’humanité en quête spirituelle malgré la conscience du vide que la Seconde Guerre Mondiale a laissée. Trouver du sens à l’existence à partir de ce vide. « Les deux artistes, plutôt que de créer quelque chose qui reflète le chaos, ont choisi de s’élever au-dessus, dans la transformation et le déchiffrement, dans l’élégant et la matière lyrique » ( Joachim Pissaro, Commissaire de l’exposition).
Alors les hommes, ou plutôt les femmes, se font pinceaux vivants, dansent sur la toile, incrustent leurs empreintes de corps bien vivants, survivants. Alors un homme marche, seul mais déterminé, il avance, surmonte les ruines.
« Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art »
( Klein, L’architecture de l’air, Conférence de la Sorbonne, 1959)
Gagosian Gallery
20 Grosvenor Hill – London
entrée libre – jusqu’au 11 juin 2016